Nouvelle mutation du récepteur FSH

17 Jan 2019
Janvier 2019/Vol.8,no.1

Un projet de collaboration entre le Dr Daniel Bernard, McGill University et le Dr Pierre Miron, président et fondateur de FERTILYS, un partenaire industriel du RQR.

Successful in vitro maturation of oocytes in a woman with gonadotropin-resistant ovary syndrome associated with a novel combination of FSH receptor gene variants: a case report. C. Flageole, C. Toufaily, D. J. Bernard, S. Ates, V. Blais, S. Chénier, M. Benkhalifa & P. Miron. J Assist Reprod Genet. 2019 Jan 5

Le Syndrome de résistance ovarienne aux gonadotrophine (SROG) est un rare cas d’hypogonadisme hypergonadotrope.

Lorsque ce syndrome est accompagné en plus d’une infertilité, cela représente un défi majeur aussi bien d’un point de vue diagnostique que thérapeutique.

Le syndrome de résistance ovarienne aux gonadotrophines (SROG) est un rare type d’hypogonadisme hypergonadotrope. Les patientes présentent des cycles menstruels allongés, voire absents, des niveaux de FSH élevés, des niveaux d’hormone anti-Müllerienne ainsi qu’un nombre de follicules antraux normaux.

Historique

Un couple est venu consulter au centre d’aide médicale à la procréation FERTILYS pour obtenir un 2ème avis médical. La patiente est alors âgée de 31 ans et son conjoint de 36 ans. Leur passé médical indique une infertilité depuis 2 ans. La patiente observe aussi un allongement progressif de ses cycles menstruels pouvant aller jusqu’à 45 jours. Elle est aussi diagnostiquée pour une hypothyroïdie bien contrôlée par du Synthroïd, un médicament prescrit pour les troubles de la thyroïde. Les analyses effectuées antérieurement suggéraient une insuffisance ovarienne prématurée. Basé sur ce diagnostic, le couple s’était vu offrir comme seule alternative le recours au don d’ovocytes.

Au Canada, 17% des couples sont infertiles. L’incidence annuelle d’une insuffisance ovarienne prématurée chez des femmes entre 30 et 39 ans est de 76:100 000. Le SRO est encore plus rare.

Des nouvelles analyses, un nouvel espoir

Des analyses plus poussées ont été réalisées au centre FERTILYS mettant en évidence des niveaux de FSH élevés (62, 43 et 55 UI/L), de manière contradictoire des niveaux d’AMH normaux (3,14 ng/ml) et un compte folliculaire antral par échographie également normal (n=13). Des analyses génétiques ont aussi été effectuées telles qu’un caryotype, un génotypage du locus FRAXA et des tests auto-immunes qui se sont tous révélés normaux.

La présentation clinique de la patiente était singulière. Elle présentait une dysfonction ovulatoire complètement désordonnée avec la présence de gros follicules en début de cycle et une absence pourtant totale de réponse à des doses élevées de gonadotrophines exogènes (traitement de stimulation ovarienne). Une maturation in vitro (MIV) d’ovocytes a donc été proposée au couple. Six ovocytes ont été recueillis par ponction folliculaire puis mûris en laboratoire jusqu’à 48 heures. Une fois le stade de métaphase II atteint, les ovocytes ont été fécondés par micro-injection de spermatozoïdes (ICSI). Un embryon de huit cellules de grade 1 (bonne qualité) a été transféré au 3ème jour post-ovulatoire. Après une grossesse sans difficulté, la patiente a donné naissance à un garçon en bonne santé.

Figure 1: Echographie transvaginale effectuée à 6 semaines et 6 jours de grossesse, montrant une grossesse intra-utérine normale.

L’Hormone anti-Müllerienne (AMH) a été décrite en premier pour son rôle dans la régression des canaux de Müller lors de l’embryogenèse du fœtus mâle. Plus tardivement, il a été montré que cette hormone possédait une action inhibitrice très importante sur la folliculogenèse. Son niveau sérique est proportionnel au nombre de follicules en croissance dans l’ovaire faisant de cette hormone un très bon marqueur de la réserve ovarienne. Le dosage de cette hormone permet notamment d’ajuster le traitement de stimulation ovarienne en fertilité humaine.

Découverte d'une nouvelle mutation

Des tests génétiques plus élaborés (panel génétique pour insuffisance ovarienne prématurée) ont permis de mettre en évidence la présence de deux mutations hétérozygotes sur le récepteur de la FSH (RFSH), l’hormone qui permet la croissance des follicules . La première mutation, appelée I160T, est une variante pathologique déjà décrite dans la littérature et elle est clairement associée avec un SROG lorsque la mutation est homozygote. Par contre la deuxième mutation N558H, elle, n’a jamais été identifiée jusqu’à ce jour.

L’impact de la deuxième mutation est encore inconnu à ce jour, mais l’acide aminé associé à cette mutation est hautement conservé entre les espèces. D’autre part les analyses in silico révèlent que cette altération est délétère et que la structure et/ou la fonction du récepteur à la FSH pourrait être affectée par cette mutation. Plus précisément, la mutation se trouve dans la 3ème boucle intracellulaire du récepteur, qui est impliquée dans la liaison avec une molécule présente à l’intérieur de la cellule, appelée protéine G, importante dans la transduction du signal de la FSH sur son récepteur.

Figure 2: Gène du récepteur de la FSH, localisé sur le bras court du chromosome 2 où les deux mutations de la patiente sont annotées. La mutation Ile160Thr est localisée sur l’exon 6 et la mutation Asn558His est localisée sur l’exon 10.

GnHTD=gonadotropin hormone transmembrane domain.

Nouvelle collaboration avec le Dr Daniel Bernard de l’Université McGill

Comme déjà mentionné, contrairement à la mutation I160T, la mutation N558H n’avait jamais été identifiée auparavant. Les laboratoires des Drs Pierre Miron et Daniel Bernard se sont donc associés afin d’étudier l’effet de cette nouvelle mutation au niveau fonctionnel. Des analyses in silico prédisent que cette variante pourrait endommager la structure et la fonction du RFSH. L’équipe du Dr Bernard a introduit les deux mutations individuellement dans des vecteurs d’expression (outils biologiques qui permettent l’expression d’une protéine spécifique) pour le RFSH.  Le  récepteur de type sauvage (sans mutation) est localisé au niveau membranaire et son activation par FSH induit des cascades de différentes molécules de signalisation menant à une augmentation de la production d’un second messager appelé AMP cyclique (AMPc) et à l’activation de la protéine CREB, dont le rôle est d’activer certains gènes. Les effets de la nouvelle mutation sur ces cascades signalétiques ont été comparés au récepteur de type sauvage ainsi qu’à la mutation I166T déjà décrite. Les résultats ont montré qu’en présence de la mutation I166T déjà décrite comme délétère, l’ajout de FSH n’active pas le système AMPc/CREB. Par contre, en présence de la nouvelle mutation N558H, l’activation du système AMPc/CREB ainsi que sa localisation sur la membrane cellulaire sont identiques lorsque comparés au récepteur sauvage. Bien que ces résultats suggèrent que la mutation N558H n’affecte pas le récepteur de la FSH, il est cependant toujours possible qu’elle affecte des fonctions qui n’ont pas été investiguées.

La mutagénèse est un événement d’apparition d’une mutation qui peut être naturel ou artificiel. Dans la nature, ce processus peut être à l’origine du cancer, de maladies héréditaires ou d’innovations évolutives et il est le principal responsable de la biodiversité des espèces.

La mutagénèse dirigée est utilisée pour comprendre la fonction des gènes. Cette technique consiste en l’introduction volontaire de mutations en utilisant des agents chimiques ou physiques dans une séquence ADN afin de déduire des informations sur le rôle des gènes. La modification en laboratoire de la séquence en acides aminés d’une protéine permet d’évaluer l’importance de ces acides aminés dans la fonction de la protéine.

Analyse in silico : analyse effectuée grâce à des modèles informatiques. Ces analyses sont surtout utilisées dans les domaines de la génomique et de la bioinformatique.

Figure 3: Récepteur de la FSH, montrant la localisation des deux mutations d’intérêt, I160T et N558H. Figure adaptée de Beau et al.  J Clin Invest. 1998 Oct 1;102(7):1352-9.

Conclusion

En conclusion, grâce aux efforts du laboratoire du Dr Pierre Miron, il a été montré que la MIV devrait toujours être offerte en première ligne chez les femmes infertiles avec un SROG, plus particulièrement en présence de mutations dans le récepteur de la FSH. La mutation N558H observée dans la 3ème boucle intracellulaire du récepteur, est une nouvelle découverte mais son rôle dans la fonctionnalité du récepteur, s’il existe, n’a pas été résolu et nécessite d’autres investigations.

Le RQR est fier d’avoir pu mettre en contact les Drs Pierre Miron et Daniel Bernard et qu’une nouvelle collaboration ait ainsi pu s’établir grâce au réseau.

Références

Aittomaki, K., et al., Clinical features of primary ovarian failure caused by a point mutation in the follicle-stimulating hormone receptor gene. J Clin Endocrinol Metab, 1996. 81(10): p.3722-6.

Huhtaniemi, I.T. and K. Aittomaki, Mutations of follicle- stimulating hormone and its receptor: effects on gonadal function. Eur J Endocrinol, 1998. 138(5): p. 473-81.

Bramble, M.S., et al., A novel follicle-stimulating hormone receptor mutation causing primary ovarian failure: a fertility application of whole exome sequencing. Hum Reprod, 2016. 31(4): p. 905-14.

Binder, H., et al., Assessment of FSHR variants and antimullerian hormone in infertility patients with a reduced ovarian response to gonadotropin stimulation. Fertil Steril, 2012. 97(5): p.1169-75.

Binder, H., et al., Association of FSH receptor and CYP19A1 gene variations with sterility and ovarian hyperstimulation syndrome. Reproduction, 2008. 135(1): p. 107-16.

Beau et al. A novel phenotype related to partial loss of function mutations of the follicle stimulating hormone receptor. J Clin Invest. 1998 Oct 1;102(7):1352-9.

Prix du RQR pour la mobilisation des connaissances

Deux prix ont été remis, lors du 11ème Symposium du RQR en novembre dernier, à deux membres s’étant démarqués pour leur implication au niveau des utilisateurs. Les récipiendaires sont la Dre Cathy Vaillancourt de l’INRS- Institut Armand Frappier et Bélinda Crobeddu, étudiante au doctorat à l’ l’INRS- Institut Armand Frappier.

Par mobilisation des connaissances, on sous-entend que ce sont des activités qui sont destinées aux utilisateurs finaux et pas seulement à la communauté scientifique.

On parle donc de vulgarisation scientifique pour rendre la biologie de la reproduction accessible aux utilisateurs soit:

  • le grand public,
  • les compagnies pharmaceutiques et biotechnologiques,
  • les vétérinaires, 
  • les médecins cliniciens,  
  • le gouvernement, 
  • et les autres cibles appropriées. 

Au nom de tous les membres du RQR, félicitations aux deux récipiendaires!

Dr Claude Robert, directeur du Comité de mobilisation des connaissances, a récompensé Bélinda Crobeddu pour ses implications au niveau des utilisateurs finaux de la recherche en biologie de la reproduction, lors du 11ème Symposium annuel du RQR.

Date à retenir

  • 10 – 11 mai 2019 : 24 heures de science. Le thème de cette année: « La Terre de demain ». Comme tous les ans, le RQR souhaite participer à cet évènement. Si vous souhaitez proposer une activité, contactez Charlène Rico, gestionnaire du RQR à charlene.rico@umontreal.ca